De plus en plus de jeunes seraient victimes de « school bullying », un anglicisme utilisé pour désigner le « harcèlement scolaire ». Dans nos écoles, ce phénomène se répand et est, bien trop souvent, passé sous silence.
Pour les élèves victimes de harcèlement, la vie est un enfer. Ils sont traités de surnoms ridicules. Ils sont rejetés, exclus, leurs camarades de classe font bloc contre eux pour ne pas leur adresser la parole, le contenu de leur trousse est renversé. Leurs desserts sont taxés à la cantine et leurs cartables piétinés.
Ces élèves sont bousculés dans les couloirs, enfermés dans des pièces. Ils reçoivent des messages humiliants, injurieux ou méchants via internet ou leur téléphone portable.
Le school bullying, ce sont de petits faits, banals, labiles, répétitifs et continus. C’est une violence persistante, qui use.
Un élève est victime de bullying lorsqu’un autre élève, ou groupe d’élèves, se moque de lui ou l’insulte. Ces situations peuvent durer et il est difficile pour l’enfant de se défendre.»
Le harcèlement est possible lorsqu’il y a relation de domination. Il est caractérisé par une violence à long terme, physique ou psychologique. Cette violence est perpétrée par un ou plusieurs agresseurs à l’encontre d’une seule victime.
Le phénomène est grave lorsque c’est toujours le même élève qui est victime, et quand il y a un déséquilibre des forces entre les tyrans et leur cible, une relation dominé-dominant.
Un phénomène qui débute très tôt
Le harcèlement peut commencer très tôt. Déjà en maternelle, on retrouve dans les classes des petits caïds et des souffre-douleurs. Mais ce sont les 9-14 ans qui sont les plus à risque…
Pourquoi ? Les adultes sont moins présents que durant le primaire et régulent moins les relations entre élèves. « Par ailleurs, c’est au tout début de l’adolescence qu’on a un besoin très fort d’appartenance au groupe.
Qui sont les cibles du school bullying ?
Il n’existe pas de portrait robot du bouc émissaire. Mais on peut toutefois le reconnaitre grâce à certaines caractéristiques. Les premières victimes sont souvent les bons élèves. « Ces derniers ne sont plus des exemples à suivre, mais des victimes toutes trouvées pour des jeunes gens en quête de reconnaissance ».
Les élèves les plus timides ou réservés ou ceux qui souffrent d’un défaut physique sont également à risque de bullying.
Les victimes de harcèlement scolaire sont souvent fragiles, complexés, timides, sensibles, moins forts physiquement que la majorité de leurs copains. Ils sont immatures ou, à l’inverse, en avance. « La victime est souvent traités de p’tit gros, de pas beau, de myope, de nul, de mauviette. Malhabile socialement, pas très bon dans les sports, il manie involontairement l’art de se faire des ennemis Mais c’est surtout la façon dont l’enfant répond aux brimades de ses compagnons qui va permettre à la spirale infernale de s’enclencher et de se répéter. Il faut savoir que le harcèlement touche un peu plus les garçons que les filles. Même si certaines de leurs techniques sont pareilles que les garçons, les filles ont leur propre manière d’harceler. Elles pratiquent l’exclusion, la mise à l’écart et la rumeur. Elles n’invitent par exemple jamais leur victime aux fêtes qu’elles organisent.
Le profil de l’agresseur
L’intimidateur, quant à lui, éprouve un fort besoin de domination et est, en général, impulsif. Il a peu d’empathie : il ne parvient pas à se mettre à la place de sa victime et, en plus, éprouve un très faible sentiment de culpabilité. « Il est sûr de lui, costaud et ne souffre pas d’une « angoisse cachée », même si ses résultats scolaires sont assez faibles. Il s’estimera d’ailleurs victime des adultes. Il cherche à nuire, mais n’agit pas seul (dans la majorité des cas, ils forment un duo ou un trio). » Les autres élèves l’admirent mais ont peur de lui et évitent sa compagnie car ils le craignent.
Réaction des victimes
Le harcèlement scolaire est un véritable calvaire. Il peut perturber gravement les enfants. Souffrance, peur de parler, peur de ne pas s’en sortir, sentiment de honte. L’enfant ne veut plus aller à l’école. Ses résultats scolaires chutent. Dans les situations les plus graves, le harcèlement peut mener à la déscolarisation. Il peut également conduire à la perte de confiance en soi, au renfermement et à l’isolement, progressivement à la dépression, à l’anxiété ou à la somatisation. Selon une étude plus de la moitié des victimes auraient des idées suicidaires. Cette situation de school bullying est donc extrêmement difficile à vivre pour l’enfant. Elle dure parfois longtemps, et il n’est pas facile de s’en défendre.
Un phénomène qui s’étend : le cyberbullying
Le cyberbullying est une variante du harcèlement scolaire. Il repose sur Internet et sur l’usage des nouvelles technologies de la communication. Un jeune sur trois aurait déjà été la cible de harcèlement électronique. Supports utilisés pour ce type de harcèlement : mail, texto, sites web, forums, photos diffusées sur Internet.«
L’agresseur et sa victime se connaissent dans la vraie vie. Internet n’est qu’une manière d’harceler encore plus la victime, de la persécuter au-delà de la cour de récréation ou du chemin de la maison. Avant l’arrivée d’Internet, un répit était possible. Avec le cyberbullying, on peut être harcelé en tout lieu et à tout moment.
Un phénomène passé sous silence
Un problème majeur entoure le school bullying : il est souvent banalisé et passé sous silence. Tous le monde conspire pour se taire, respectant à la lettre le fameux code d’honneur : « On ne cafte pas ». De fait, les autres élèves n’osent pas réagir. Ils se rangent du côté des plus forts pour ne pas avoir de soucis, craignant d’être harcelés à leur tour. Les enseignants, quant à eux, ne réagissent pas. Une enquête révèle que près de 60% des élèves disent que les enseignants n’interviennent « presque jamais » ou seulement « de temps en temps » pour empêcher les brimades. En fait, les parents et les enseignants n’arrivent pas à détecter le school bulluying. Et lorsqu’ils en prennent conscience, ils ont souvent tendance à réagir de manière inappropriée, en prononçant cette petite phrase : « C’est la vie, il faut qu’il apprenne à se défendre. » Comment est-il possible de ne pas avoir conscience de la situation douloureuse que vit un élève ou son propre enfant ? En fait, la mise à l’écart, le mépris, la vexation et l’insulte ne laissent pas de traces visibles à l’oeil nu et les victimes se taisent. Accepter que l’on vit des problèmes de violence dans sa classe, c’est devoir avouer que l’on a échoué. De plus, les enseignants ne veulent pas s’immiscer dans l’éducation de leurs élèves. « Ils rechignent à jouer les gendarmes. Ils ne réagiront souvent que lorsque les élèves dérangent leurs cours »,. Les enseignants pensent également que le harcèlement survient dans des endroits autres que la classe ou l’école : les trajets, et les après-midi de congé par exemple. C’est faux. Les brimades surviennent plus souvent dans la cour de récréation et dans les classes qu’en dehors. La violence prend forme dans des zones de transition, et se déroulent à certains moments de la journée : dans les toilettes, les recoins des cours de récré, les vestiaires de gym, à l’arrêt de bus. Les moments les plus sensibles de la journée sont le matin et la pause de midi. L’après-midi, les élèves sont plus fatigués.
Comment repérer un enfant victime de school bullying ?
Un élève victime de harcèlement scolaire présente certains signes qui ne trompent pas :
- Il trouve des prétextes pour ne plus aller en classe ;
- L’école signale aux parents des absences de plus en plus fréquentes;
- Il se plaint régulièrement de maux de tête et de ventre ;
- Il se replie sur lui-même, devient aigri ou agressif à la maison ;
- Il reproduit parfois sur ses frères et soeurs ce qu’on lui inflige à l’école ;
- Il a des insomnies, des cauchemars et des problèmes d’alimentation (perte d’appétit ou crise de boulimie). Le phénomène de school bullying est étudié partout dans le monde.
- Les victimes du school bullying peuvent s’en sortir, même si certains ne s’en remettront jamais complètement. La première chose à faire est d’oser en parler. Un autre conseil à donner : éventuellement partir ailleurs, trouver un nouvel établissement scolaire. Voici quelques conseils à suivre :
Que faire ?
- Savoir ce qui se passe avant d’agir : soumettre les élèves à une enquête anonyme ;
- Débattre à l’école pour mettre au point une stratégie coordonnée ;
- Surveiller les cours de récré ;
- Doter les profs et élèves de règles anti-violence et déterminer des sanctions cohérentes ;
- Etablir des conseils de classe, où se discutent bilans et projets sur la vie de groupe ;
- Ouvrir une ligne d’écoute interne pour encourager ceux qui ont peur de parler. Intervenir auprès de l’agresseur et assurer protection à la victime :
- Appuyer tant les parents d’agresseurs que ceux des victimes. Si une telle situation est mise au jour, les harceleurs et leurs complices perdent leur pouvoir.Peut-on se protéger du harcèlement ?Une estime de soi solide fait partie des plus importants facteurs de protection. Les enfants et les jeunes qui sont sûrs d’eux ne tardent pas longtemps à parler des événements liés au harcèlement à des personnes de confiance.
Du côté des parents, il s’agira avant tout d’être attentif aux changements de comportement d’un enfant qui refuse tout à coup d’aller à l’école et de l’inciter à se confier s’il rencontre des difficultés. Une fois le harcèlement détecté, prendre contact avec les responsables de l’école afin de déterminer une attitude et une stratégie communes, pour le meilleur bien de l’enfant.
Quelques statistiques dans le monde:
- 1 enfant sur 4 est victime de harcèlement à l’école chaque jour
- 43% des enfants ont été victimes de harcèlement en ligne
- 22% des enfants harcelés n’en parle à personne
- 80% du temps une dispute avec le harceleur se termine en combat physique
- 160 000 enfants restent à la maison au lieu d’aller à l’école, chaque jour, à cause du harcèlement
- Les victimes de harcèlement sont 2 à 9 fois plus susceptibles de penser au suicide